La forge neuve

FER - FONTE - ACIER

UN MODELE

Le modèle de grande Forge Neuve fait école en France, un autre bail* par Condé associe Saget avec quelques uns de ses ouvriers qualifiés à la création de la forge de Clavières* (Indre), tandis que, de 1670 à 1671, le fils aîné Henri Jules de Condé "Monsieur le Prince" fait construire la forge de Dampierre (Eure et Loir) sur le même modèle du fourneau double, forge d'affinerie et fenderie alignés sous la chaussée; la construction de logements pour les maîtres et ouvriers est intégrée au plan de la forge. Henri Jules héritera de la baronnie de Châteaubriant. Au-delà de Saget et de ses maîtres ouvriers responsables de la Forge Neuve, une synergie plus large a-t-elle favorisée cette création d'avant-garde ?

La maison de Condé, alliée de longue date aux rois Bourbons, se distingue comme protestante puis frondeuse. Le turbulent Grand Condé, grand capitaine de son temps (avec Turenne), s'interesse-t-il aussi, de loin, aux Forges ? On verra cependant Louis Joseph, l'arrière petit fils du Grand Condé, visiter le Creusot* en 1787 après avoir acheté et fait rénover la forge de la Hunaudière, il émigre peu après pour organiser l'armée contre révolutionnaire.

Des avancées techniques :

Précurseur encore pour la France, Saget fait équiper ses fourneaux de soufflets tout en bois, plus efficaces et plus résistants que les anciens soufflets garnis de cuir, cette invention venue de Suisse, fut diffusée en France par la famille suisse Seigne : l'ingénieur Guillaume Seigne, dès la mise en service de la Forge Neuve, s'établit à Moisdon et Pierre à Nevers dont l'intendant de Moulins (Allier) signalera en 1710 : "On peut dire qu'il a été utile aux forges du pays, y ayant apporté le secret de faire des soufflets de bois avec de simples planches de sapin, qui sont de bien moindre dépense et entretien que les grand soufflets de cuir dont on se servait auparavant dans les fourneaux..."*.

Tous les foyers des forges seront équipés de ce genre de soufflets jusqu'à la fin des forges à bois. Des pompes à air à piston apparaissent à la fin du 18ème siècle sans détrôner les soufflets français. Pourtant en 1774 le sieur de Guignebourg dans son "Mémoire sur les forges à fer" critique cette machine : "Ce fut un Suisse qui l'apporta en France... il fournissoit des soufflets qui étoient encore bons après 35 ans de service. Cet art qui a tant acquis de l'étranger, est si fort dépéri en France qu'aujourd'hui la majeure partie des soufflets neufs sont très foibles, et ne valent plus rien après 12 ou 15 ans de travail..."!*

Un site favorable :

La configuration du site de Moisdon, suffisamment encaissé pour la création d'une chaussée sans inondation, permet aussi d'alimenter plus facilement les fourneaux et leurs halles grâce à la déclivité qui aide au déversement du charbon de bois. Dans certaines régions la méthode wallone aura des variantes, selon les quantités et qualités disponibles en bois, minerais, fondant et eau motrice et selon les produits recherchés, la méthode sera comtoise, allemande, rivoise... et plus au Sud le Bas Fourneau subsitera sous forme de forge catalane, bergamasque, styrienne...toutes ces méthodes abolies au 19ème siècle par la sidérurgie à la houille.

Contrats litigieux :

Par d'autres contrats avec Condé* en 1671, 1672 et 1677, Saget crée, pour lui-même, la forge de Martigné Ferchaud (I&V) puis celle de La Blisière/ Plessis Meslé (Soudan). La forge de Martigné est excentrée vers le nord des forêts du Prince de Condé, aussi cette forge moderne, sur le modèle de la Forge Neuve, ne comporte-t-elle qu'un fourneau produisant plus ou moins 280 T de fonte par an*.

Le deuxième fourneau prévu au contrat de 1671 est construit, sur sommation Condé, à la Blisière "ex nihilo" en forêt de Juigné pour ne produire que 100 T de fonte par an*, la retenue d'eau formera un étang de 100 ha, l'affinerie se situe au Plessis Meslé, à 2,5 km en aval du petit ruisseau de la Blisière, la fenderie sera distante de 20 km au Coudray en aval de Martigné. La forêt de Juigné va fournir la quasi totalité du bois de haute fûtaie vendue par le contrat, avant mise en coupe réglée de taillis pour les forges dont le charbon ira ensuite surtout vers la Forge Neuve de Moisdon.

Ce suréquipement greva les finances de Saget qui ne put rembourser ses dettes* envers l'intendant du Prince. Comme le stipule un bail de forge, "ledict preneur...s'est obligé sur l'obligation et générale hypothèque de tous ses biens...et sa personne a tenir en prison ferme en cas de deffault"*, Saget est incarcéré et ses biens saisis en 1678.

Des marchands de fer remboursent les dettes mais un imbroglio juridique* "Chaillou/Saget" s'ensuit et durera plus d'un siècle. Saget reprend ses fonctions de maître de forge sous caution de fermiers solvables, il favorise son fermage de Moisdon au meilleur rendement technique et commercial. Les Chaillou s'en plaignent, suspectant mal gérée la forge de Martigné dont ils attendent les remboursements.

Le Conseil des Princes constatera, avec Saget, que pour son exploitation la Forge Neuve nécessite deux fois plus de bois qu'un fourneau traditionnel*, 400 hectares par an après 1729 : dans la mesure du possible tous les maîtres de forges tenteront de reproduire ce modèle défini en France pour près de deux siècles.


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© Georges Vanderquand
(2000)