La forge neuve

FER - FONTE - ACIER

LE GRAND CAPITALISME EST LIBERALISE

C'est la guerre :

A la fin de l'Empire 90% des 1 381 000 t de fonte française proviennent des Hauts Fourneaux au coke*, et la grève au Creusot en Janvier 1870 révèle un profond malaise social, Eugène Schneider est aussi le président du Corps législatif. En 1868, dans une conjoncture de récession, les actionnaires de Basse-Indre, oubliant la naissance bridée de leur forge, placardent à l'entrée de l'usine : "les libre-échangistes poursuivent l'oeuvre de destruction de nos usines par l'anéantissement du travail national."*

Deux ans plus tard, la défaite de 1870 est en grande partie l'oeuvre d'une incomparable puissance de feu allemande (tir précis, rapide et plus de 3000m de portée), à laquelle notre excellent fusil "Chassepot" ne peut répondre, ni nos premières mitrailleuses ( "...à ces distances de 3 à 4 kilomètres devenaient inutiles. Sur le champ de bataille on en voyait, le lendemain, toutes neuves, n'ayant point servi, et broyées,les roues brisées par quelque obus ennemi."*) nos canons sont encore en bronze*, comme à la prise d'Alger en 1830 :

Au champ de Mars le canon tonne,
Des temples saints l'airin frémit : ...

Forts de nos victoires militaires coloniales, nous avions mal apprécié le danger allemand. Durant le siège de Paris de 1870 une souscription aux canons fut ouverte "M. Victor Hugo devait fournir un autre canon à la défense...se résigna à laisser appeler le sien Victor Hugo".*

Les marchands de canons :

Après la bonne leçon de Krupp* la sidérurgie française va repartir sur les instances du nouveau Gouvernement. En avance sur tous ses concurents, même la sidérurgie anglaise est dépassée par la croissance et les innovations allemandes. Schneider se tourne vers la fabrication de canons modernes en acier (Petin et Gaudet) tubes rayés et culasses ouvrantes pour le chargement accéléré des obus, le tout usiné avec précision. En 1897 le fils Henri Schneider analyse les crises industrielles :"aujourd'hui tout est au militaire, on ne fait que des canons en acier et des plaques de blindage"*.

L'Internationale des travailleurs :

Depuis 1830 les manufactures sont les grandes usines "à vapeur" des villes où le travail est rythmé par le sifflet de la machine. Fatigue et machines mal protégées provoquent des accidents. L'autorité patronale surveille étroitement la productivité de l'ensemble qui devient souvent le bagne des femmes, des enfants et des émigrés ruraux les moins qualifiés, une certaine autonomie des ouvriers qualifiés se marchande parfois "à la tâche". L'ancien travail artisanal, considéré comme créateur, se transforme en un travail aliéné. Le docteur nantais Guépin fait une des premières enquêtes sociales sur l'ouvrier en 1835 : "Si vous voulez savoir comment il se loge, allez par exemple rue des Fumiers..." "Vivre pour lui, c'est ne pas mourir"*.

Le Directeur d'une conserverie nantaise apprécie les ferblantiers soudeurs : "Je paye mes ouvriers deux francs par jour, et dix et quinze sols [0.5 et 0.75 F] aux femmes [...]. Tout le monde est nourri par moi, à trois repas par jour, parce qu'on se met au travail de grand matin et qu'on le quitte quelquefois fort tard. J'ai rarement plus de dix hommes; tout le reste consiste en femmes et enfants." (1833).

Le "travail national" a repris aux forges de Basse-Indre, l'enquête de l'Ingénieur des Mines rapporte le 22 Juillet 1871*: "... A Basse-Indre, les enfants ont des postes de douze heures et travaillent alternativement le jour et la nuit comme rattrapeurs aux laminoirs, mais le travail n'est pas pénible et correspond, par poste, à quatre heures d'une durée effective.[...] 5 petits garçons de 10 à 12 ans remplissent les fonctions peu fatigantes de marqueurs..."

L'arsenal national d'Indret qui produit depuis 1823 des machines à vapeur et des chaudières pour navires emploit 1200 à 2000 ouvriers "tous français", et 75 enfants de 12 à 16 ans dont la journée de travail est limitée à 12 heures selon le Loi de Mars 1841, mais, nécessité fait loi, le décret du 2 Mars 1848* diminuant d'une heure le temps de travail ne paraît pas être appliqué*. Au début de l'empire les salaires augmentent moins vite que les 25%* d'inflation.

"Le tour de la France par deux enfants" passe au Creusot en 1877, et dans ce livre de lecture morale et patriotique, "best-seller" des écoles publiques*, Julien relate puérilement : "...il y a trop de machines qui se remuent autour de nous et au-dessous de nous. Il me semble que nous allons être broyés là-dedans.
- Non, petit Julien; vois, il y a des enfants qui ne sont pas beaucoup plus âgés que toi
[(? 7 ans)] et qui travaillent de tout leur coeur; mais ils sont obligés de faire attention"...

Cette condescendance envers le travail servile est agréée par une école conformiste, foncièrement élitiste, inapte encore à la science et l'industrie : "Ce qu'il y a de plus heureux dans la richesse, c'est qu'elle permet de soulager la misère d'autrui"*. La réussite du Creusot est aussi celle d'un paternalisme bienveillant mais totalitaire.

Les corporations et le compagnonnage, abolis à la Révolution, survivent en mutuelles d'entraides sans réelle infrastructure légale, aussi à l'époque du "livret ouvrier" fichant tout travailleur depuis 1854, l'autodiscipline corporative n'a plus lieu d'être, d'importantes grèves ou manifestations ouvrières répondent à la violente expansion industrielle.

Le 25 mai 1864 la loi de délit de grève* est supprimée et les associations sont autorisées (Emile Ollivier), la même année le "Comité des Forges"est créé en France, tandis qu'à Londres les ouvriers anglais et français fondent l"Association Internationale des Travailleurs"*, des hommes comme F. Pelloutier ou Ch. Brunelière renforcent le syndicalisme à Nantes où de nombreuses organisations voient le jour, des plus raisonnables au plus violentes. Selon Karl Marx : "Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience", les syndicats sont reconnus en 1884*.


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© Georges Vanderquand
(2000)