La forge neuve

FER - FONTE - ACIER

LES LUMIERES DE L'ERE INDUSTRIELLE
L'EXPLOITATION DU CAPITAL

Les encyclopédistes voudraient améliorer les forges :

Un siècle après sa création la Forge Neuve est encore une des plus grosses forges de France*, les grandes forges au bois, toujours plus nécessaires, arrivent au meilleur de leur technicité : un nouveau degré de l'industrie la plus prestigieuse est franchi, comme on peut le voir sur l'exceptionnelle documentation de "l'Encyclopédie de Diderot"* (1757) faisant référence à la forge de Bayard (Hte Marne), ou les planches aquarellées figurant Martigné* pour la description de Robien (1735) et les beaux plans* détaillés de la Forge Neuve (1774).

Le 18ème siècle est celui de la réflexion, des observations et des analyses méthodiques, tout est remis en cause, absolutisme et liberté s'affrontent; au delà de l'intérêt pittoresque des salons pour les découvertes scientifiques, les chercheurs pressentent alors les grands progrès économiques, sociaux et politiques qui pourront en découler : " Dans un siecle où tous les Arts sont honorés, enrichis des lumieres des savans, ne s'en trouvera-t-il point un qui daigne tourner son travail sur les manufactures des fers, où il y a tant à rectifier ? C'est une vieille matiere toute neuve à traiter ; "* (Encyclo.)

Nous verrons Réaumur en 1722 et Buffon en 1768 travailler utilement sur la sidérurgie, mais les Anglais sont allés plus vite.

Investissement - gestion - direction :

La Forge Neuve fut construite aux frais de René Saget* aidé de banquiers investisseurs associés, Charles de Beauneau et Laurent Gobert, "ès lieux qui seront trouvés les plus commodes"*: la jouissance de l'exploitation était garantie aux créateurs pour 18 ans; puis la forge fut remise aux mains du Grand Condé pour moitié prix de la valeur alors estimée*, nous avons vu les difficultés financières de Saget pour respecter certaines interprétations des contrats. Le fils Georges Saget affermera la forge jusqu'à sa mort en 1710, puis dans le cadre du bail général des terres de Bretagne du Prince de Condé, le petit fils René Georges Saget de la Jonchère, anobli en 1713, reprendra en 1729 un bail avec Guy de Lavau et Jean Cavé.

La bipolarisation des intérêts entre propriétaires vendeurs de bois, d'une part, et maîtres de forges producteurs-vendeurs de fer, d'autre part, incite alors le "Conseil des Princes" à prendre les, très rentables, forges de Moisdon en "exploitation directe"* en 1742 : le "Conseil des Princes" prend l'exploitation directe en plaçant un "régisseur-directeur-maître de forge" appointé par salaire fixe et prime d'intéressement avec ses commis et ouvriers également agréés. Les rapports de gestion et d'administration seront régulièrement transmis au Conseil et se retrouvent encore aux archives du Château de Chantilly* : la production moyenne est alors de 700T de fonte par an (max 840 T), partiellement transformée en 450 T de fer (max 940 T selon réserves d'un fondage à l'autre) : les offres de candidats au fermage sont alors repoussées pendant plus de 40 ans (P. Canavaggio)*, les candidats aux contrats de régie sont semble-t-il plus rares.

Nouveaux riches - Nouveaux pauvres :

L'activité des forges et des forgerons n'est plus affirmée par des contrats de fermages ou baux d'amodiations de neuf ans, assortis d'affouages garantissant le combustible, parfois prévus et signés dix ou vingt ans à l'avance; avec l'exploitation directe de la Forge Neuve, les directives du Conseil des Princes peuvent contrarier l'initiative, la responsabilité, la liberté d'action du maître de forge, ses espérances de très forts gains aussi : en resserrant les cordons sur son capital foncier, la seigneurie relache ses liens sociaux de tradition féodale : y déroge-t-on ?

Le grand mouvement intellectuel des "Lumières"s'accompagne d'un bouillonement économique, industriel et colonial entretenu par une ronde de négociants, armateurs, fabricants, régisseurs, maîtres de forges...: les fils des souffletiers de Seigne, après leurs pères, se consacrent au grand négoce*, l'un d'eux à Lyon, un autre Augustin à Brest, et Guillaume (II) à Nantes, une fille, Marie Angélique épouse en 1713 Etienne Barbier, Maître de forge de Moisdon puis de la Hunaudière, tandis que Catherine, se marie en 1722 à Jean de la Ville, maître de forge, négociant et armateur nantais.

Ce fils Guillaume de Seigne, riche négociant armateur, achète en 1762 la belle "folie nantaise" du Grand Blottereau* sur la rive de Loire à Doulon, demeure de grand luxe, le plus grand parc nantais qui garde une tradition de botanique exotique.

Le 10 Avril 1749, sur son navire "Philibert" en partance pour l'Ile de France (Maurice), de Seigne enrôle, avec le Capitaine Thiercelin, le pilotin Jean-François Trébuchet*, fils d'un forgeron de Moisdon la Rivière : le maître fondeur Jean Trébuchet, par son épouse Françoise Louvigné, déroge à la tradition de filiation du savoir faire...son dernier enfant Jean-François embarque sur un navire; les forgerons réagissent-ils à une relative dégradation de leur condition ?

Jean-François Trébuchet est reçu maître capitaine et pilote de navire le 11 Février 1767 et peut remplacer le Capitaine de "La Nouvelle Société" au départ de Nantes le 3 Avril 1767; sur différents navires de l'armateur Droüin il continuera ses voyages "en droiture" (non "triangulaires") pour l'île Saint Domingue aux Antilles, ne les cessant qu'en 1778 après désaccord avec l'armateur Bouteiller*. Par sa fille Sophie, Jean-François est le grand-père de Victor Hugo.

Au niveau de la direction de la Forge Neuve, le petit fils Saget, René-Georges, fermier maître de forge avec Jean Cavé, est évincé par cette exploitation "directe", la direction est alors confiée en 1742 au "couple maître de forge" Boyer/Charrault, couple à l'instar des Coignard/Pavy en 1718 dont seule l'épouse Marie demeurait à la forge.

Pour favoriser ce changement de régime, Boyer fait construire* une grande maison de maître de forge au plan régulier, symétrique, incorporant en aile avancée Est une importante chapelle Saint Eloi* (bénite le 25 Mars 1747), le tout bâti de schiste gris-bleu provenant du sous-sol immédiat. Cette maison de maître*, dominant le site, est alors plus conforme à la notabilité de la forge du Grand Condé. D'autres améliorations suivront : le plan général étant inchangé.

L'honorabilité du maître de forge est confortée d'une prime d'intéressement d'environ 10 £ivres par tonne de fonte produite, soit 4000 à 9000 £ivres par an, coquette somme propre à réhausser les couleurs de l'écuyer parisien Boyer, conseiller et secrétaire du Roi, officiellement directeur de la forge; Boyer avait épousé la maîtresse de forge Marie Charrault, veuve Boutillier, maîtresse de forge à Pouancé depuis son premier veuvage*.


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© Georges Vanderquand
(2000)